mercredi 10 septembre 2014

La rentrée au placard

Hello tout le monde!

Pour mon nouvel article, je vous ai concocté un sujet qui dégouline de bon sentiments. Que voulez-vous, mon côté naïf me colle à la peau comme un jean skinny. Et ça tombe bien puisque l'on va parler de vêtements. 
Oui encore.

L'idée m'est venue à la suite du visionnage de deux documentaires. Le premier s'intitule Le monde selon H&M et nous montre un peu l'envers du décors même si, je vous l'accorde, ce n'est pas un scoop. Le deuxième, Made in France, est une idée de Benjamin Carle, un journaliste de Canal+, qui a tenté de vivre pendant neuf mois une expérience 100% française. 

Autrefois, les vêtements avaient pour vocation première de nous protéger des agressions extérieures, et de ce fait étaient avant tout solides et pratiques. Puis, la Mode fit son chemin au travers des siècles, jouant avec les codes sociaux, brouillant parfois les pistes, pour finalement transformer le vêtement en un fabuleux moyen d'expression. L'industrialisation et la production de masse aidant, les chaînes de magasins de vêtements se sont imposées largement comme modèle sur le marché, avec comme concept commercial, des collections s'inspirant des podiums sans cesse renouvelées, à des prix très accessibles. La fast fashion est née.
Boltanski au Grand Palais


Étant une consommatrice assidue de cette fast fashion, le documentaire le monde selon H&M a fortement aiguisé ma curiosité. Ce que j'ai vu, je pense qu'on le sait tous plus ou moins, néanmoins il est toujours bon de le rappeler car si nous sommes tous familiers de la petite étiquette 'made in', l'histoire qu'elle raconte donne parfois le vertige (voire la nausée), et provoque dans certains cas -le mien- quelque chose que nous n'aimons pas spécialement ressentir: la culpabilité.
On apprendra donc, entre autre, que pour que l'on puisse porter ce petit haut mignon tout plein à 9,99 euros -qui finira deux mois plus tard en haut de pyjama parce qu'il a perdu ses formes/couleurs voire une taille alors qu'on l'a lavé à froid- un ouvrier à 8000 km de là devra travailler entre 70 et 80 heures par semaine, souvent sous la contrainte -ou les coups pour certains- et pour un salaire frôlant l’indécence (le salaire moyen mensuel au Bangladesh pour un ouvrier textile est de 70 dollars). 
Et comme si ce n'était pas suffisant, les normes de sécurité ne sont pas toujours respectées. Le 24 avril 2013, le tristement célèbre Rana Plaza s'effondre, emportant avec lui 1127 morts.  Est-ce que les géants de l'industrie textile en ont tiré des leçons? A en croire ce reportage pas vraiment puisque la journaliste découvre qu'un immeuble abritant des ateliers de confections pour H&M a été construit sur un étang. Et tout le monde sait qu'un étang constitue un terrain idéal pour construire un immeuble...On apprendra un peu plus loin dans le reportage que les étages de cet immeuble ont été surélevés. Bref, on nage en pleine absurdie. 
Cerise sur le gâteau, H&M ne paie pas d'impôt dans les pays où sont confectionnés les vêtements car ils ne font pas de bénéfices sur place. Tout simplement ahurissant. 

Alors que fait-on de ces informations? On s'indigne, bien sûr, puisque l'indignation est de bon goût ces derniers temps. Puis l'indignation laisse place à la réflexion. 
Dans mon cas, ma garde-robe est constituée aux 3/4 de vêtements H&M. C'est dire si la culpabilité a fait son chemin. Maintenant que "je sais", il va falloir que je change mon comportement de consommatrice. Hypocrisie me direz-vous? Peut-être un peu. Mais si j'ai décidé de regarder ce reportage, c'est  pour m'ouvrir les yeux, et il faut bien commencer à se responsabiliser un jour! 
Pour moi ça commence maintenant, à la rentrée, une période propice au renouveau. Comment vous dire qu'il est très compliqué , voire impossible pour les plus faibles -moi- de résister à l'appel de la nouvelle collection. Pourtant la rentrée sera différente pour moi cette fois. Peut-être sera-t-elle française?


Car après avoir regardé Made in France , j'ai moi aussi mené ma petite enquête. Oh, pas très loin, je suis simplement allée fureter dans les allées du BHV. Je me suis amusée à regarder la mention made in sur les étiquette des vêtements dans pratiquement tous les stands. J'ai commencé par Petit Bateau. Figurez-vous que j'ai retourné les étiquettes dans tous les sens, je n'ai jamais trouvé la fameuse mention, mais un simple numéro de service consommateur. Une pratique pour des moins étranges pour une marque qui revendique son appartenance à l'hexagone. L'espagnol Desigual lui, fabrique en Inde. Pour Ted Baker 'de Londres', ça se passe en Chine. Pour Free Lance, on se contentera d'un made in UE. Beaucoup de chaussures proviennent d'Italie ou du Portugal. J'y ai presque cru en lisant 'création nantaise' sur la semelle de superbes derbies Ippon Vintage. Et oui, création ne veut pas dire fabrication. Portugal également pour Ippon Vintage, donc. Dommage!

En revanche, la célèbre ballerine Repetto est 100% française mesdames, et pour le prix d'une vingtaine de ballerines H&m, vous pourrez exhiber fièrement vos petits petons en Zizi ou en Cendrillon.
Les bottes fourrées australienne UGG sont fabriquées en Chine! 
Urban Outfitters confectionne beaucoup de pièces au Royaume-Unis, tout le reste un peu partout:Chine, Inde, etc..
La palme d'or revient tout de même à Topshop qui, je crois, fabrique dans le monde entier: Roumanie, Turquie, Chine, Inde, USA, Royaume-Uni, Ile Maurice, Bangladesh...etc. De quoi donner le tournis!
American Apparel eux, font dans la fabrication locale, puisque leurs ateliers sont situés à Los Angeles, et ils ne se sont pas privés pour créer la polémique avec une campagne de pub choc dénonçant les affreuses conditions de travail au Bangladesh. Petit clin d’œil à H&M?





J'ai ensuite relevé des mentions assez étonnantes: Gérard Darel, 'imported in France by/to Gerard Darel', Ralph Lauren 'made for you...in Vietnam', Ekyog 'crée en France et fabriqué en Inde dans le respect de l'homme et de l'environnement '(oui oui, tout ça sur une étiquette).


En continuant mes recherches, j'ai relevé quelques marques indiquées comme 100% françaises, et je suis allée du côté de la rue Saint Honoré, chez Cotélac. Les coupes et les tissus sont superbes, les prix un peu élevés mais pas excessifs. Assez contente de ma trouvaille, je vais discuter avec la vendeuse et lui demande si tous les produits sont bien fabriqués en France, ce à quoi elle me répond avec un geste vague des bras : 'oui, dans le bassin méditerranéen, quoi.' 

Ça sera finalement au détour de la rue Saint-Merri, dans la très jolie boutique Oxyde que j'ai obtenu une réponse assez honnête à la question est-il possible de s'habiller 100% made in France. En voyant un petit drapeau français cousu sur certaines étiquettes, j'ai engagé la conversation avec la vendeuse, qui m'a expliqué que certain produits étaient encore fabriqué en France quand le savoir-faire n'était pas un frein. Une confection trop compliquée comme la maille, par exemple, se fera en Chine.


Alors est-ce que s'habiller 100% français est un geste responsable? Dans la mesure où cela permet à des entreprises de rester en France -et de ce fait préserver des emplois- oui. Mais pour ma part -et ça n'engage que moi- je trouve ça dommage de se replier sur soi, et surtout, le travail à l'étranger n'est pas synonyme de travail mal fait, bien au contraire. Les plus beaux jeans sont fabriqués au Japon, souvent sur de très anciens métiers à tisser.

Autre argument de taille, s'habiller français n'est pas accessible à toutes les bourses, cela revient très cher. 26 euros la culotte, ça fait cher la semaine tout de même!





Est-ce qu'il faut boycotter les grandes chaînes comme H&M alors? 
En fait, avec un peu de recul, je m'aperçois que cela ne sert à rien de tomber dans les extrêmes. Tout n'est pas tout blanc ou tout noir. Clairement, on ne peut pas reprocher à une entreprise de vouloir augmenter ses bénéfices. Et combien de clientes accepteraient d'acheter leurs vêtements beaucoup plus cher que d'habitude pour que les ouvriers bangladais soient mieux rémunérés?


La responsabilisation se fait à un autre niveau, et elle passe par l'information. Comme je l'ai dit en début d'article, ce qu'on apprend dans ce documentaire, on le sait déjà plus ou moins. Mais avoir des informations concrètes, des chiffres, des images m'a permis de poser un autre regard sur ce type de magasin, et sur mon comportement. Avant de rentrer machinalement dans un magasin, je me demande d'abord si j'ai réellement besoin d'un énième pantalon ou d'une paire de chaussures, si je ne peux pas composer avec ma garde-robe actuelle. 

Tout va trop vite, les modes passent plus vite que les saisons. Des fois j'ai même l'impression qu'un article perd son attrait aussitôt acheté. 


Tout le monde a sa part de responsabilité, on ne peut pas sans cesse se dédouaner en rejetant la faute sur les entreprises, les médias, les magazines, etc...Il y a vraiment des alternatives. Les friperies en sont un exemple parfait. Donner une seconde vie à un vêtement sans se ruiner. Les vide-dressing fleurissent sur le net et sont parfois organisés dans des cafés. Sur Vinted, on peut vendre, acheter mais également échanger des vêtements et des accessoires. 

La meilleure solution reste encore de stopper ces achats effrénés, -qui ne trouvent leur sens que dans le seul acte d'achat de toute façon- de bien réfléchir avant d'acheter un vêtement -qu'on chouchoutera pour qu'il dure longtemps et parce que quelqu'un a donné de sa personne pour que ce vêtement existe- et d'apprendre à se contenter de ce qu'on a dans son placard - qui est de toute façon plein à craquer. 

Je terminerai en disant que je ne suis détentrice d'aucune vérité, que je ne suis pas une donneuse de leçon, mais que j'avais juste envie de partager une expérience qui m'a réellement touchée -et changée.

Bien à vous.
xxx