Hello!
Aujourd'hui j'ai envie de te parler d'un sujet très personnel, très intime, même s'il touche indubitablement, allez, 60% de la gente féminine.
J'ai un peu tourné autour du pot dans mes premiers billets (c'est joli 'billet' vous ne trouvez pas? Je le préfère à 'post'), cette fois je saute dans le plat-haha.
Aujourd'hui je vais donc parler de poids, sur la balance, sur la conscience, de corps mal dans sa peau, de miroir déformant et beaucoup de gros mots dans le genre. Des choses, j'en suis sûre, que tu connais du bout des doigts.
Quand j'étais petite, j'avais déjà un rapport étrange avec la nourriture. Non je n'étais pas grosse, ce n'est pas ça. Mais j'ai développé ma propre vision de la symbolique de la nourriture. Pour remettre les choses dans le contexte, je dois vous dire que mes parents ont divorcé très tôt, je devais avoir quelques mois. Toute mon enfance-et pré-adolescence- je passais la moitié des vacances scolaires chez mon père.
Ma mère s'est toujours évertuée à nous faire manger, mon petit frère et moi, toutes sortes de légumes vapeur sans aucune saveur, aliments complets et autres graines diététiques farfelues. Le Coca était interdit, comme les viennoiseries, les bonbons et tous les aliments doudous en gros. Est-ce que ce qu'elle nous préparait était bon pour la santé? Sans aucun doute. Mais quand t'as 10 ans, tu t'en fous un peu de savoir que le pain blanc possède un indice glycémique beaucoup plus élevé que le pain complet.
Quand t'as 10 ans, tu veux du bon, du doux, du réconfortant. Pas des blettes à l'eau et de la soupe de légumes avec des fils et des morceaux dedans hein.
Quand j'allais chez mon père, c'était une toute autre histoire. Dans le sous-sol, il y avait une pièce qui aurait pu s'apparenter à une annexe de Carrefour. Des étagères remplies de boites de céréales, des packs de soda, de jus de fruits et tout ce que vous trouvez généralement dans un supermarché. Dans la cuisine, la fête continuait, avec les placards truffés de bonbons, chocolats, pots de Nutella et autres douceurs. Alors que je me levais souvent la nuit pour aller chiper un chocolat, mes petits frères restaient indifférents à cette profusion de nourriture. Comment pouvait-on refuser une telle offrande?
Pendant toute ma maternelle et ma primaire, c'est ma grand-mère qui venait me chercher après l'école. Franchement, il y aurait eu un concours de la meilleure grand-mère, elle l'aurait remporté haut la main. Les après-midis chez ma grand-mère étaient empreints de douceur. Pendant que je dégustais mes tartines de confiture et ma petite barre de chocolat Milka achetée chez le boulanger, ma grand-mère me chantait des chansons, me récitait des poèmes ou me faisait écouter les vinyle du Carnaval des animaux, de Pierre et le Loup ou de la Petite chèvre de Monsieur Seguin. Les purées de ma grand-mère étaient préparées avec amour, ainsi que tout ce qu'elle préparait à manger. Le dimanche, parfois, en été, la famille se réunissait dans le grand jardin autour d'un couscous gargantuesque. Aujourd'hui, elle cuisine beaucoup moins, mais c'est toujours aussi bon.
J'ai détesté toutes mes années passées chez ma mère. Je ne me suis jamais entendue avec elle. Pour résumer notre relation, je la définirais comme un conflit permanent. Je n'ai pratiquement pas eu d'adolescence, c'est bien simple, je n'avais le droit de rien faire, si ce n'est mes devoirs. Jamais de ciné avec les copines, encore moins une sortie.
Bref, le but n'est sûrement pas de vous démontrer que j'étais la doublure incarnée de Cosette, c'était il y a longtemps et d'une banalité effroyable.
Non, ce qui est intéressant en revanche, c'est qu'en mettant tout ça noir sur blanc (je l'ai fait il y a quelques années déjà), j'ai économisé pas mal de séances chez le psy. Pas besoin d'un professionnel pour savoir d'où est venu mon malaise avec la nourriture...
Partant dans la vie avec la certitude que si on me faisait manger des haricots verts à l'eau signifiait qu'on ne m'aimait pas, j'étais plutôt mal barrée, je te l'accorde.
Et bien ça n'a pas loupé. Je suis partie à Paris à 19 ans, et crois-moi, la vie parisienne ne fait pas de cadeau pour une petite jeunette fraîchement débarquée de sa province. Je me suis mise très vite à manger tout ce que j'attrapais. Du sucré, du salé derrière, encore du sucré.. A n'importe quelle heure de la journée. De la nuit. A table, au restaurant ou chez des amis, je me resservais toujours. Au Mc Do, il fallait toujours prendre le menu XL avec des nuggets en plus et un dessert, des fois deux. Les grecs, les pizzas et autre fastfood faisaient partie de mon quotidien.
Bizarrement, les kilos ne sont pas arrivés tout de suite. Ça a duré quelques années comme ça sans que je ne m'inquiète de ma silhouette. Je n'étais pas mince, mais je restais svelte. Le fameux bourrelet-qui-dépasse-du-jean était encore un concept inconnu pour moi.
Et puis très vite, j'ai commencé à travailler dans la restauration. J'aurais pu vivre à l'intérieur d'un pot de Nutella, ou, soyons fous, aller toquer directement chez la vieille sorcière de Hansel et Gretel ça aurait été du pareil au même. C'est bien simple, je mangeais pendant tout le service. Il y a toujours un gentil cuisinier pour vous donner un croustillant de crevette qui a une drôle de forme ou un moelleux au chocolat un peu trop cuit. J'ai fait ce métier pendant plus de dix ans. La chance que j'ai eu, c'est que quand tu es serveuse, tu cours toute la journée et tu portes des trucs lourds.
Jusque là, le miracle continuait de fonctionner, mais faut quand même pas pousser mémé dans les orties, et j'ai commencé à grossir tout doucement, sans m'en rendre compte, jusqu'au jour où j'ai été embauchée dans un restaurant où les serveuses étaient presque toutes gaulées comme des nanas de magazine. Elles étaient splendides, et en les regardant, je me suis rendue à l'évidence: j'étais grosse.
Car forcement, quand on évolue dans un milieu où la norme est à la limite de l'anorexie, et ben on se trouve grosse.
J'ai donc commencé à m’intéresser à ce qu'il y avait dans mon assiette, et devant le constat, j'ai fait ce que toute personne normalement constituée aurait fait: j'ai culpabilisé. J'ai mangé encore plus. J'ai grossi. J'ai commencé à me détester.
S'en sont suivies quelques mesures plus intelligentes les unes que les autres. J'ai tenté de me faire vomir. Je me suis nourrie pendant des semaines exclusivement de sachets protéinés au bon goût dégueulasse de chocolat chimique-jusqu'au jour où je suis tombée dans les pommes lors d'une sortie entre amis. J'ai testé le régime salade verte-pomme-thé. J'ai bu des litres de boisson drainante. Je me suis badigeonnée de gel amincissant. Je me suis transformée en rouleau de printemps en m'enroulant dans du film alimentaire (bah quoi tu savais pas que ça faisait maigrir? Pff...).
J'ai testé la pilule Alli. Et là je me dois de m'arrêter sur cette expérience, afin que toi, la demoiselle qui cherche une solution à tes problèmes de poids n'avale JAMAIS cette pilule. Jamais, tu m'entends. La pilule Alli, qu'est ce que c'est? Je vais faire simple et tant pis pour le côté glamour. La pilule Alli, c'est une petite pilule magique que tu peux pouvais acheter en pharmacie, qui te permettais de fondre littéralement en peu de temps, car cette gentille pilule magique emprisonnait toutes les méchantes graisses que tu pouvais absorber, et les rejetaient en bloc. Oui tu as bien lu: rejetait les graisses. Comment? Par où? Un peu d'imagination s'il te plaît. Sueurs froides, crampes d'estomac, migraines et incontinence fécales-oui oui tu as bien lu!- au programme, sans compter que le corps était vidé de ses vitamines essentielles. A la fin, j'avais tellement peur de partir en courant aux toilettes que je ne mangeais presque plus rien. Voilà je t'avais prévenue. Cette pilule n'est plus en vente en France, malheureusement on peut encore se la procurer en fouillant sur Internet. Alors oui on peut dire que j'ai maigri. J'ai bien sûr tout repris par la suite. En double.
Dans la famille donnez-moi le régime le plus intelligent du monde, je vous présente le régime Dukan. Tout le monde connait maintenant ce si tristement célèbre régime qui consiste à se nourrir exclusivement de protéines pendant plusieurs jours, et d'y rajouter quelques pauvres légumes quand on commence à rêver tomates et haricots verts (si si ça existe). L'astuce: les protéines sont à volonté. Si tu veux manger cinq steaks hachés et 72 bâtons de surimi, tu peux. Dans son superbe livre, Dukan t'encourage même à te peser plusieurs fois DANS LA JOURNÉE pour te prouver que tu vas maigrir à la vitesse de l'éclair. Il me semble avoir tenu deux mois, au cours desquels j'ai perdu près de 8 kilos oui oui. Que j'ai repris évidemment.
Puis j'ai arrêté de travailler et je suis retournée à la fac. Aie. Ma chance pendant ces années était que je travaillais dans une branche qui me permettais de brûler énormément de calories. A la fac, s'en était fini de moi. Les kilos se sont installés confortablement, m'ont tenu chaud l'hiver, et se sentaient si bien dans mon enveloppe corporelle qu'ils n'ont plus voulu me quitter. J'ai atteint les 70 kg il y a deux ans (je fais 1,62m) et j'ai vu le ciel me tomber sur la tête. J'en vois qui ouvrent grand les yeux et se disent elle se fout de notre gueule celle-là depuis le début de son article elle nous fait croire qu'elle est grosse. A ceux-là je rappellerais simplement qu'en vérité, il n'est jamais question de kilos mais du fait qu'on se sente bien ou non dans son corps. Je connais des filles plus grosses que moi, qui se sentent bien et qui respirent la sexiness (sors pas ton Robert ce mot n'existe pas). Ce n'est pas mon cas.
J'ai fini par aller voir un nutritionniste, qui m'a dit que je ne savais pas manger correctement-merci pour le scoop hein, j'étais pas au courant. A chaque fois que je sortais de chez lui je n'avais qu'une envie:pleurer. Bref, toujours est-il qu'il m'a fait perdre 3 kilos en...un an. Cette blague. Et puis son régime m'a gonflé et j'ai remangé normalement. Étrangement(ou pas?), je n'ai rien repris. J'ai bien été tenté d'envoyer tout balader, de profiter de la vie et de manger tout ce qui me plaisait. Parce qu'à la fin, c'est fatiguant de faire tout le temps attention et de n'obtenir que peu de résultats. Je me bats quand même moins qu'il y a dix ans. J'ai retrouvé des pages que je noircissais à l'époque où mon mal être était à son maximum, et j'ai eu beaucoup de peine devant la violence des mots qui m'étaient adressés.
Chacun a une histoire différente et même si mon mec me dit qu'il m'aime comme je suis, qu'il me trouve belle, je ne peux m'empêcher de faire la grimace quand je vois les courbes de mon corps-pardon la graisse qui déforme ma silhouette- se refléter dans une glace.
Depuis deux semaines j'ai repris un régime sain, une nouvelle façon de manger, car à un moment, malgré toutes les excuses valables ou non (c'est de la faute de ma mère- j'ai le squelette lourd- c'est de famille- je mange donc je suis- c'est pas moi c'est le frigo qui s'est ouvert tout seul-c'est mon chat qui m'a ramené un Kitkat- c'est pour compenser), il fallait que je me rende à l'évidence: je mange trop. Et mal. Il fallait donc que je mange moins. Et mieux.
Sans blague, me dira-t-on? Oui, tout le monde le sait, je le savais.
Mais je n'était pas prête à l'admettre, à l'accepter, je préférais me cacher derrière mes kilos qui étaient devenus eux-même une excuse.
Pour preuve, quand je me regarde dans un miroir je me vois toujours plus mince que je ne le suis. Ce n'est qu'à travers les photos que je peux mesurer l'ampleur des dégâts.
Des fois, je me demande si il n'y a pas chez moi une espèce de satisfaction malsaine à me voir grossir. Contradictoire, non? Pourquoi, je n'en sais foutre rien. Pour me punir? De quoi? Pour me balancer dans la face que je suis nulle et me confirmer que je ne sais rien faire, pas même un régime? Pas si contradictoire que ça en fait.
Parce que tant que je suis convaincue que je suis nulle, pourquoi faire des efforts?
Je ne parlerai pas de la place des médias dans notre vision de la femme parfaite, ni de la tendance thinspiration, ni du fait que pour les magazines tu es grosse quand tu fais du 40 (Scarlett Johansson est grosse tout le monde le sait), ni encore de cette nouvelle tendance qui te fait croire que le boot camp et le cross fit c'est bien (non mais c'est vrai quoi, vomir ses tripes de fatigue c'est ça la vie).
Je ne veux ressembler à personne, je veux juste être moi. En mieux.
Love.