dimanche 30 juillet 2017

Une histoire de canapé et de vide.






Parfois j'ai l'impression d'être dans une salle d'attente. Je suis assise sur mon canapé et j'attends, sauf que personne ne m'appelle pour me dire que c'est mon tour. Je peux rester des heures comme ça, même une journée entière. C'est un peu comme la sensation d'avoir les yeux dans le vague, sauf que là c'est le corps qui est dans le vague. 
Pourtant quand je me réveille je sais qu'une nouvelle journée commence et je suis impatiente de l'entamer. Je me lève, je me prépare, mais une fois prête, je suis prise par une paralysie que je n'ai pas encore identifiée, sorte de nuage toxique qui me suit partout et qui nourrit mes peurs.

Je dirais que je suis quelqu'un qui a peur en général. En colère (mais il s'agit d'un autre sujet) et qui a peur. Peur d'à peu près tout. Ca peut aller de la peur d'aller aux toilettes dans un café que je connais pas, à la peur de tomber sur les rails du métro et de me faire déchiqueter, ou bien que ma gorge rétrécisse et que je ne puisse plus respirer. Bien sûr je fais également face à des peurs beaucoup plus abstraites, comme la peur de devenir invisible, la peur de l'échec, de la solitude, la peur d'être abandonnée, et ma plus grosse bête noire: la peur de prendre des décisions.

Je traîne ces peurs comme des putains de boulets, à tel point que ma cheville a fini par se fissurer. Je suis persuadée aujourd'hui que je suis la seule responsable de cette blessure, que mon subconscient a trouvé un petit arrangement avec mon corps, en donnant une raison d'exister à cette paralysie dans laquelle je me trouve/complais actuellement . Je lui ai aménagé un petit nid douillet dans ma vie et je n'ai pas encore trouvé comment la déloger. Combien de fois je me suis entendue dire "si je n'avais pas mon problème à la cheville, je ferais tellement de choses." Bullshit. Est-ce que je faisais plus de choses avant? Bien sûr que non. Sauf que maintenant, j'ai une super excuse. 

Quand je travaillais je n'avais pas le temps d'y penser. Mes journées étaient remplies et il ne me restait que quelques heures pour imaginer de quelle façon j'occuperais mon temps si j'en avais devant moi. Aujourd'hui j'en ai plus que nécessaire puisque je suis en arrêt et que je ne reprendrai pas d'activité avant le mois d'octobre. Qu'est-ce que j'ai fait depuis? Rien. Vous allez dire que je me fous de la gueule du monde et vous n'aurez probablement pas tort. Je passe mes journées à regarder le temps passer depuis mon canapé. 
Parfois quand je suis prise de maux de tête à force de rester enfermée, je finis par rassembler mon courage pour aller m'installer au café derrière chez moi. Ca me prend souvent plusieurs heures entre le moment où je me dis que je devrais peut-être sortir et le moment où je mets finalement le pied dehors. Plusieurs heures où je répète dans ma tête les gestes qui vont me sortir de cette léthargie. Se lever, se laver, s'habiller, ouvrir la porte d'entrée, descendre dans la rue, aller à la rencontre du vide

Parce que c'est de ça dont je parle bien sûr. S'apercevoir qu'en fait sans travail, sans cette responsabilité qui m'oblige à me traîner hors du lit le matin, et bien je n'ai rien d'autre, je ne suis rien. Fais des choses que tu aimes, me dit-on. Ok mais ma vie ne va pas se résumer à aller au cinéma et à lire des livres. Ca n'a aucun sens. Et j'ai besoin de donner un sens à ma vie, pardon du cliché, mais sans ça je n'ai pas envie de me lever le matin. Le repos est d'autant plus apprécié qu'on a fourni un effort. Ca marche comme ça pour à peu près tout dans la vie, ça repose sur un système d'opposition de valeurs. Les hauts n'existent que parce qu'il y a des bas, et inversement. 

Est-ce que je fais une dépression, est-ce que je me regarde trop le nombril? Je n'en sais foutre rien. Les choses s'amélioreront sans doute d'elles-même lorsque j'aurais repris une activité. Mais d'ici-là, je me retrouve seule, face à moi-même, et croyez-moi bien, c'est une expérience dont je me serais volontiers passée. Découvrir qu'on est une poule mouillée et qu'on ne sait toujours pas qui on est à l'aube de la quarantaine a un goût plutôt amer. 

Bon. Tout n'est peut-être pas perdu puisqu'à l'heure qu'il est j'écris cet article en direct d'un café. Même si je vais devoir retourner dans ce putain de canapé. Fuck.