samedi 20 mai 2017

Réussite, croyances et autres bullshit.




Ah tiens elle reprend du service celle-là! 
Salut. 
Ca fait un an que je n'ai rien écrit. Pourquoi? Parce qu'une petite voix m'a dit que ça ne servait à rien, que ce que j'écrivais emmerdait tout le monde, et que je n'avais rien d'intéressant à dire de toute façon. La même petite voix qui me rabâche tous les jours que je suis nulle, que je ne sais rien faire, bref, que je suis une ratée. Ca pique, hein?
Mais alors qui est cette petite voix, et comment diantre a-t-elle autant d'influence sur moi au point qu'aujourd'hui je suis paralysée de peur lorsque je dois agir?

Flash back. 

Petite, j'ai toujours été très scolaire. Jamais brillante, mais assez bonne pour arriver jusqu'au bac sans encombre. Dans ma famille (comme dans beaucoup d'autres), les études, c'est le saint Graal. Plus tes études sont longues, plus on te regarde avec admiration, plus on t'exhibe avec fierté pendant les repas dominicaux. Si en plus t'es médecin ou avocat, t'es pas loin d'être canonisé. 
En revanche si tu fais pas d'études, t'es hors circuit, tu restes sur le bas côté de la route toute ta vie et on te regarde presque comme si t'étais un toxicomane alcoolique illettré avec un QI qui flirte avec les racines des pâquerettes.

Je me rappelle certains mots de mon grand-père quand il parlait d'un membre de la famille qui venait de trouver un travail gratifiant. Il disait " allez, celui-là, il est sauvé." Sauvé. Avec un peu de recul, le mot est quand même vachement fort, merde. 
Quand il me parlait de mes études, il y avait toujours un côté urgent, dramatique. Un jour il m'a dit que si je ne voulais pas faire d'études, j'allais finir vendeuse aux Nouvelles Galeries (les Galeries Lafayette d'aujourd'hui. Oui ça fout un coup de vieux, je sais). Après les cours, je passais devant et en regardant les vendeuses je ne pouvais pas m'empêcher de m'imaginer un Monopoly grandeur nature dans lequel il y aurait, juste avant la case prison, la case Nouvelles Galeries. 
Petit à petit, une croyance s'était installée confortablement dans mon esprit: si t'es vendeur, c'est que tu es un peu bête, que tu as raté tes études (et ta vie accessoirement) et qu'on ne te prendra jamais au sérieux.
Jusqu'à mon bac, la vie active était un concept flou pour moi.  A un moment j'avais émis l'idée de devenir vétérinaire.  Mon grand-père a balayé cette envie en me disant que je n'étais pas taillée pour des études d'une telle envergure, qu'il fallait que je me trouve quelque chose à ma portée. Hop. Une autre croyance avait germé. Aujourd'hui la graine s'est transformée en forêt. C'est fou comme une petite phrase lancée mine de rien peut avoir la résonance d'une bombe atomique. 
La suite n'a été qu'un vaste cafouillage. J'étais complètement perdue, incapable de me projeter dans quoi que ce soit. J'ai essayé la fac, puis l'IUT de commerce, et j'ai finalement tourné le dos à mes études et à ma ville d'adoption pour rejoindre Paris, l'El Dorado de tous les possibles. 
De petit boulot en petit boulot, je me suis retrouvée dans la restauration où je suis restée 10 ans. A ce stade de ma vie, laissez-moi vous dire que j'avais abandonné l'idée de réussir ma vie. Pour certains membres de ma famille, j'avais touché le fond, y'avait plus rien à récupérer. 

Hantée par de vieux fantômes, j'ai fini par retourner sur les bancs de la fac, histoire de voir si je pouvais remonter dans l'estime de certaines personnes, y compris moi-même. J'ai continué la restauration à mi-temps, et j'ai eu ma licence d'anglais. J'étais de nouveau redevenue intéressante aux yeux de ma famille. Finalement, il y avait peut-être de l'espoir pour moi. 
Première année de Master traduction. Je travaillais chez Virgin en même temps. J'avais mis tellement d'énergie dans ma licence que j'étais épuisée moralement. Je voulais souffler. A ce stade je n'arrivais plus à croire en moi. Virgin m'a proposé un CDI et mes aventures universitaires se sont arrêtées là. 

Est-ce que je regrette aujourd'hui? Peut-être. Toujours est-il que cette belle parenthèse m'a permis de croire un peu en moi, et j'ai même osé postulé à la Fnac! Vous pouvez rire, mais avant de reprendre mes études, j'étais persuadée que j'étais incapable d'occuper un poste dans les produits éditoriaux. 
J'ai été embauchée, j'ai travaillé au rayon DVD, aux jeux videos, puis en librairie jeunesse. L'aventure dure depuis 5 ans, malheureusement ma santé me rattrape, je ne peux plus travailler debout et faire un métier aussi physique. J'en avais déjà un peu parlé dans mes précédents articles. Il était question d'une fissure du cartilage de la cheville et d'une guérison qui risquait de prendre beaucoup de temps. Aujourd'hui j'en sais un peu plus, à savoir qu'il n'y aura pas de guérison. Ca a le mérite d'être clair.
Pour minimiser la douleur, en revanche, il y a des choses à faire. La première étant: changer de métier. J'ai réussi ce tour de force une fois, je ne sais pas si il me reste assez d'énergie pour recommencer. Sans compter que la petite voix est toujours là. Elle ne me quitte jamais. Parce que j'ai toujours travaillé dans la vente et la restauration. Et que je ne sais rien faire d'autre. Du moins j'en suis persuadée. Je suis toujours cette petite fille et le monde du travail me fait toujours aussi peur. Les métiers sont toujours des concepts flous et abstraits pour moi. 

Je suis aussi paralysée par l'échec. Même si ce n'est finalement qu'une projection de l'imagination. J'élabore l'échec dans ma tête avant même d'avoir tenté quoi que ce soit. Je suis très bonne à ce petit jeu, j'ai toujours fonctionné comme ça. Il suffit que je m'intéresse un peu à un métier, que je visualise les difficultés pour y accéder par exemple, et j'abandonne, presque soulagée d'avoir évité le massacre. 

Je suis aussi terrorisée à l'idée de prendre des risques. Dans ma famille, on est fonctionnaire de préférence. Sécurité, stabilité, zone de confort tout ça tout ça. La prise de risque est vue comme de l'insouciance, voire de l'inconscience. 

C'est comme si j'avais un filtre devant les yeux. Un filtre sur lequel sont projetées les peurs et les croyances de ma famille, mais aussi celles de la société. Mais au fond, je suis persuadée que les plus belles aventures ont commencé par une prise de risque (et que les études n'y sont pas forcément pour quelque chose).
Je pense qu'il faut que je prenne les choses différemment, que je les regarde sous un autre angle. Parfois, j'ai quelques brefs moments de lucidité. Et dans ces moments, j'ai l'impression d'apercevoir ce filtre, cette cage de verre dans laquelle je suis depuis toujours. Ce n'est la faute de personne, chacun se débattant dans sa propre cage. En revanche, si je suis capable de l'apercevoir, je suis capable de la briser, non? 

Qu'est-ce qu'il peut m'arriver, au pire, par exemple, si je choisis une voie qui ne me mène nulle part? Et bien au pire, j'aurais compris que ok, ça ne fonctionne pas, et je pourrais passer à autre chose. J'aurais avancé. J'aurais agi. Appris des choses. Vécu une expérience donc je n'aurais pas perdu de temps. Je me serais fait confiance.  
Qu'est-ce qui m'empêche de tester de nouveaux métiers? Est-ce que je suis obligée de me trouver une vocation et de m'y tenir le reste de ma vie? D'avoir une carrière? Est-ce que je suis obligée de me réaliser uniquement à travers mon travail? 
Est-ce que je ne suis pas autre chose que mon travail? 
Est-ce que le ciel va me tomber sur la tête si je choisis un métier alimentaire et que je préfère m'épanouir en-dehors de la sphère professionnelle? Est-ce que je vaudrais moins?

Et si je me détachais de cette petite voix qui m'empêche de réfléchir par moi-même et qui me maintient dans cette léthargie malsaine? Et si j'arrêtais de me faire une montagne de tout? 

Et si je commençais à vivre, tout simplement, au lieu de planifier ma vie?


P.S: Bordel, qu'est ce que ça fait du bien!! N'hésitez pas à partager vos expériences, vos prises de risques, ou de conscience :)


Bisous!